P R O L O G U E

Lorsqu'elle était petite, elle voulait passer inaperçue. Se fondre dans le décor, devenir invisible aux yeux des autres. Elle voulait qu'on l'oublie, juste pour avoir la paix. La paix. Il n'y a que ça qui l'a toujours intéressée. Lorsqu'on grandit dans une famille de six gosses, alors forcément, on veut du calme. Mais lorsqu'en plus, on a un père violent, alors on veut se faire oublier. A la maison, c'était chacun pour sa peau. Du moins, c'est comme ça que Maddye voyait les choses. Quatrième enfant des Holmes, elle était la plus sauvage. Et celle que son frère frappait le plus. C'était un moyen comme un autre de se défouler, qu'il disait. Le salaud. Alors Maddye se réfugiait dans le grand placard de sa chambre, qu'elle partageait avec ses deux jeunes soeurs Lydia et Penelope, dite Penny. Elles étaient jumelles, et soudées comme personne. Maddye les trouvait chiantes. Les deux, ensemble, étaient insupportables. L'osmose, qu'elles disaient. Elles finissaient les phrases de l'autre, se complétaient par leur caractère. Le soleil et la lune, le jour et la nuit. Et contrairement aux autres, Maddye ne trouvait pas ça extraordinaire. C'était chiant, tout simplement. De toute façon, vous finirez par l'apprendre tôt ou tard, Maddye trouve tout chiant. Ca lui vient de son enfance pourrie, passée dans une petite ville pourrie. Elle a apprit à détester tout, pour son bien. Quand elle parle, c'est pour cracher son venin. Jamais un mot gentil. Ô grand jamais. Ca n'irait pas avec le personnage, de toute façon.

Maddye a fugué à quinze ans, avec son frère aîné Charles, dit Charlie. Il avait trois ans de plus qu'elle, et la même rage dans son coeur. En vérité, c'était la seule personne que la demoiselle appréciait vraiment. Mais comme si elle était maudite, la seule personne qui lui tenait à coeur a finit par crever. Renversé par une voiture, conduite par des braqueurs de banque en fuite. Autant dire qu'ils s'en foutaient, de renverser quelqu'un. Charlie aurait pu s'en tirer, mais les secours ont mis beaucoup trop de temps à arriver : il est mort dans les bras de sa soeur, en larmes. C'est la dernière fois qu'elle a versé des larmes, d'ailleurs. Un souvenir encore bien encré dans sa mémoire, qui fait mal comme un poignard dans le coeur. Ce foutu coeur, qu'elle aimerait bien s'arracher pour ne plus rien ressentir.